Un bref aperçu des dispositifs de lutte contre les contrefaçons existants
Selon le bureau de l’Union européenne en charge de la Propriété Intellectuelle (EUIPO[1]), 25% des emplois en France et 46.9% du PIB du pays sont directement liés à des activités « intensivement dépendantes » de la propriété intellectuelle. La contrefaçon, qui ne cesse de se développer, constitue dès lors un mal contre lequel il convient de lutter sans relâche. Fléau pour les entreprises, elle est coûteuse à plusieurs titres :
- Pour les pertes de revenus engendrées (articles non vendus et pertes de parts de marché) ;
- Par la perte d’image qui peut elle-même engendre des pertes de revenus ;
- Par les coûts générés pour la défense des droits de propriété intellectuelle lorsqu’il y a contrefaçon ;
- Pour les coûts de protection[2] (dépôt et entretien) des brevets, marques, dessins et modèles.
On peut également évoquer les dangers représentés par des produits ne respectant pas les normes de protection des consommateurs, les pertes fiscales pour l’Etat et les pertes d’emploi.
Pour rappel, la contrefaçon s’applique aux violations des droits de propriété industrielle (brevets, marques, dessins et modèles), à l’exclusion des droits d’auteur. Les secteurs du tabac et des médicaments disposent de leurs propres dispositifs de lutte (plan anti-tabac 2023-2025 par exemple).
En Europe
En Europe, la lutte repose sur l’Union Européenne. En mars 2024, un plan de lutte a été développé par la Commission Européenne[3]. Il propose entre autres une boite à outils donnant aux États membres et aux entreprises des moyens de défense. Il y a notamment un service de diagnostic préalable permettant aux entreprises de mettre en place une stratégie de PI.
L’Office Européen des Brevets (EBO / EPO)[4] et l’EUIPO participent également à la lutte. Ce dernier met à disposition, au travers de l’Observatoire[5] européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle, des données statistiques pour mieux comprendre les enjeux planétaires de ce fléau.
En France
En France, le sujet constitue une préoccupation des élus depuis de nombreuses années. Pour la période récente, un rapport de la Cour des Comptes en février 2020, rédigé à l’initiative de l’Assemblée nationale, a relancé la lutte conduite par les pouvoirs publics. Il a donné lieu à la création d’une mission d’information parlementaire sur la lutte contre les contrefaçons dont les conclusions ont été présentées en décembre 2020 par les députés Blanchet et Bournazel.
En décembre 2023, les députés Blanchet et Mauvieux présentaient un point de situation sur l’état de la lutte contre la contrefaçon en France.
La publication de ces rapports, en complément de ceux publiés par les instances européennes, a donné lieu à la mise en place par les Douanes d’un plan d’action de lutte (2021-2022 et 2024-2026), à la publication de la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner aux Douanes les moyens de faire face aux nouvelles menaces, au renforcement des moyens de lutte étatique et à une meilleure coordination des acteurs.
Dans ce cadre, l’INPI[6] (Institut Nationale de la Propriété Intellectuelle) et le CNAC[7] (Comité National Anti-Contrefaçon) ont entrepris de coordonner leurs efforts pour mieux connaitre les impacts de la contrefaçon sur les activités économiques nationales. C’est l’essence du dispositif « France anti-contrefaçons », dont un point d’étape avait lieu en décembre 2023 dans les locaux de l’INPI Paris. Lancé en 2022 , piloté par l’INPI, il rassemble le CEIPI[8] (Centre d’Etudes International de la Propriété Intellectuelle), la CPME (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises), les Douanes, la Fédération des Industries Mécaniques et l’UNIFAB[9] (Union des Fabricants pour la protection internationale de la propriété industrielle) et le CNAC. Ce dispositif est avant tout destiné à collecter des données et proposer en final des solutions de lutte plus efficaces.
Les entreprises
Parallèlement, les entreprises sont aussi organisées. Le principal acteur reste l’UNIFAB[10] (Union des Fabricants pour la protection internationale de la propriété industrielle), qui rassemble plus de 200 entreprises, fédérations et syndicats. Créée en 1995, l’union défend ses membres, publient rapports et études et discute avec les pouvoirs publics. Elle est à l’origine du Groupement international anti-contrefaçon (Global Anti-Counterfeiting Group – GACG), qui fédère des associations étrangères et internationales. Nous pouvons également citer l’APRAM, Association des Praticiens du Droit des Marques et des Modèles, qui défend les droits et intérêts des praticiens de la PI, mais participe aussi au bon fonctionnement de l’écosystème de la PI en France.
En région, en Alsace
Plus proches de nous, parmi les acteurs les plus actifs, se trouvent les Conseillers du Commerce Extérieurs. Le comité Lorraine fut à l’origine de la charte nationale « France PME sans contrefaçons », lancée en 2014. Cette initiative, aujourd’hui déclinée en charte régionale, fédère au sein de commission technique régionale l’action des délégations régionales de Business France, de l’INPI, des Douanes, et des DREETS, des CCI (signataire de la charte nationale). Le comité Alsace[11], via sa commission d’intelligence économique, anime pour le haut et bas Rhin, la lutte contre les contrefaçons, en proposant un appui et des mises en relations pour les entreprises victimes de contrefaçons.
Dans l’écosystème de la PI et de la lutte contre les contrefaçons, n’oublions pas non plus les acteurs du quotidien que sont les juristes d’entreprises, les avocats et les cabinets de conseil en PI.
Et l’intelligence économique (IE) ?
L’intelligence économique n’est jamais très loin des questions de Propriété intellectuelle. Dans un premier temps parce que la propriété intellectuelle fait partie intégrante du second pilier de l’IE qu’est la sécurité économique. Dans un second temps, parce que l’IE met à disposition des entreprises et des praticiens des pratiques de gestion de l’information, des techniques de recherches et des applications et logiciels dédiées à la veille brevet. Leurs usages permettent de vérifier la non-existence de produits similaires et protégés lorsque l’on développe un nouveau produit ou que l’on cherche à conquérir un nouveau pays, de chercher des éléments d’informations pour sa défense, ou encore de veiller ses marchés et concurrents afin de détecter au plus tôt toutes contrefaçons de ses propres produits (selon une étude réalisée en 2023 par la CPME, seul un dirigeant de PME sur dix déclare réaliser une veille).
[1] https://www.euipo.europa.eu/fr
[2] La stratégie de protection industrielle dépend avant tout de la volonté du chef d’entreprise de protéger ou pas ses innovations, selon son marché, ses ressources financières, sa vision stratégique…
[3] Recommendation C(2024) 1739 final, March19, 2024, on measures to combat counterfeiting and enhance the enforcement of intellectual property rights
[4] https://www.epo.org/fr
[5] https://www.euipo.europa.eu/fr/observatory
[6] https://www.inpi.fr/
[7] https://www.cnac-contrefacon.fr/
[8] https://www.ceipi.edu/
[9] https://www.unifab.com/
[10] https://www.unifab.com/
[11] https://www.alsace-cce.com/index.php/2024/04/10/alsace-sans-contrefacons/
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